Pierre Gilles – Orangerie Verrières le Buisson

Françoise Blondel est diplômée des Beaux Arts de Paris (atelier Claude Augereau). C’est aussi une habituée de cette belle manifestation d’art contemporain qu’est MACParis où elle  expose régulièrement depuis 2007.

Quand on pénètre dans son atelier niché sous les poutres d’un grand grenier aménagé dans une vieille maison de Palaiseau, on est frappé par l’ambiance romantique du lieu qui évoque irrésistiblement les images du 19è siècle nous montrant les Rodolphe et les Mimi vivant leur Bohème dans leurs mansardes. Partout, bien rangées, des toiles dont beaucoup sont tournées pudiquement vers le mur en attente de la visite des amateurs de peinture. Car c’est vraiment à eux que s’adresse son art, tant l’acte de peindre est ici émotionnellement évident : d’ailleurs, curieusement, alors que la lumière ne semble venir que du ciel par la baie du toit, il semble que la Nature entière se soit rassemblée et s’épanouisse en ce lieu clôt. Il y a là pêle-mêle le vent qui balance les arbres et qui transporte les parfums floraux, le soleil matinal embrumé qui enveloppe tout d’une ambiance nacrée, l’eau de l’étang qui miroite et frémit… Une façon de peindre qui est dans la grande tradition des ateliers d’autrefois où l’artiste revenait chez lui à son chevalet pour transcrire ce qu’il avait ressenti à l’extérieur et croqué sur ses carnets. Il faudra en effet attendre l’impressionnisme pour aller en plein vent peindre directement sur le motif. Françoise Blondel renoue donc avec une certaine tradition…

Et cependant, en dépit de ces allusions à toute une histoire déjà ancienne de la peinture, ce sont des images étonnement contemporaines qui s’épanouissent sur les toiles : d’abord par l’abstraction gestuelle qui règne ici en maître, une danse frémissante et libre du pinceau qui brode des couleurs délicates mais cependant énergiques ; ensuite par l’art du cadrage qui, accrochant solidement les éléments plastiques aux bords du tableau, ouvre l’espace infini du « hors-cadre » à l’imagination ; une pratique dont Degas fit le principal initiateur. Ici, cette façon d’organiser l’espace de la toile contribue largement à la sensation de respiration ample qui se dégage de ces paysages intérieurs.

Un autre item qui – selon moi – est essentiel dans l’évaluation d’une vraie modernité de la peinture : c’est sa capacité, en dépit de ses transgressions et de ses nouveautés, à s’articuler en accord ou en conflit selon les cas, avec l’histoire de l’art. L’exposition « Picasso et les maîtres » en avait été une exemplaire démonstration qui clouait le bec à tous ses pourfendeurs et dénigreurs systématiques.

Ici, Françoise Blondel marque, mais avec la discrétion qui la caractérise, ses filiations fortes et ses cousinages amoureux, l’embarquant ainsi dans l‘aventure collective de l’histoire de la peinture : une parenté lointaine mais vivante avec les impressionnistes, en tous cas dans ses recherches les plus novatrices (celles de Monet devant l’étang des nymphéas), les Nabis ensuite qui ouvrent, pour les plus audacieux, le champ infini et toujours vivant de le plénitude des couleurs tendres et rayonnantes, faisant fi du réalisme de la profondeur de champ au profit de l’envahissement passionnel de premier plan de la toile et s’approchant sans oser s’y aventurer de l’expérience abstraite (Pierre Bonnard, Édouard Vuillard…). Expérience que certains peintres tendres de l’abstraction lyrique oseront dès les années 50 (Joan Mitchell à Giverny ou Chuta Kimura, notre voisin de Chatenay-Malabry). Expérience dans lequel s’inscrit pleinement le travail de Françoise Blondel dont nous vous invitons à goûter toutes les saveurs et l’envoûtement, histoire de fêter dignement et jouissivement l’arrivée du printemps.